UN GESTE POUR CONSTRUIRE L’HUMAIN

UN GESTE POUR CONSTRUIRE L’HUMAIN

BAO 4 HER – Découvrez le parcours de Victoria Le Bail, conductrice de travaux

Dans le cadre du projet BAO 4 HER, nous avons à cœur de vous présenter des femmes talentueuses qui exercent un métier dans le secteur du bâtiment. Leur parcours riche et inspirant pourra peut-être éveiller l’intérêt d’autres femmes pour ses métiers.

Nous avons le plaisir de commencer avec le portrait de Victoria LE BAIL, conductrice de travaux.

Parles-nous de toi

Peux-tu nous dire qui tu es et nous décrire ton parcours professionnel ?

Je m’appelle Victoria Le Bail, j’ai 28 ans et je vis et travaille à l’ouest de Toulon. En 2019, j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieure en BTP et, après cinq années d’études et de stages dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, j’ai signé mon premier CDI dans le groupe NGE en 2020.

Après avoir occupé pendant 8 ans plusieurs postes dans de grandes entreprises comme dans des PME – en tant qu’ouvrière du bâtiment, ingénieure méthode, ingénieure études de prix, ingénieure structure et cheffe de chantier – j’ai fait le choix de devenir conductrice de travaux.

Actuellement, je suis conductrice de travaux en CDI depuis deux ans à la SADE, une entreprise spécialisée en construction et réhabilitation des réseaux d’eau.

En quoi consiste ton métier de conductrice de travaux ?

Mon rôle est de piloter l’organisation d’un ou plusieurs chantiers et d’assurer leur bon déroulement, du démarrage jusqu’à la livraison des travaux.

Je suis en relation étroite avec tous les intervenants du chantier (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, surveillants de travaux, techniciens, chefs de chantier, ouvriers, fournisseurs…) et je travaille principalement pour les collectivités publiques du département du Var.

Es-tu amenée à manager dans le cadre de ton métier ?

J’ai en moyenne une vingtaine de personnes sous ma responsabilité en permanence sur les chantiers, soit deux à quatre équipes simultanément.

Quelle est la part de temps passé sur le terrain vs. au bureau ?

C’est à peu près 50/50 entre le bureau et les chantiers. Je dirais 30 % de temps vraiment effectif sur le terrain.

Qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ?

Ce que j’apprécie le plus, ce sont les relations humaines et les échanges avec de nombreux interlocuteurs. J’aime également mobiliser mes compétences techniques, qui grandissent chaque jour et me permettent d’apporter une vraie valeur ajoutée. Par ailleurs, c’est un métier très dynamique, où l’on ne s’ennuie jamais, et qui offre une grande liberté dans l’organisation du travail.

Est-ce que ton métier te laisse le temps de trouver un bon équilibre entre ta vie personnelle et professionnelle et d’exercer des activités en dehors du travail ?

Pour l’instant, j’arrive à trouver un bon équilibre de vie, notamment en pratiquant du sport tous les jours, et grâce à un patron respectueux de cet équilibre. Cependant, il faut garder en tête que ce métier implique des horaires conséquents et demande donc une organisation adaptée.

Quels sont selon toi les critères de la réussite professionnelle dans ce domaine d’activité ?

En premier lieu, le sérieux et le savoir-être. Il faut être ouvert d’esprit, très adaptable, et avoir un vrai sens relationnel, aussi bien avec les collègues qu’avec les clients et fournisseurs.

De plus, il est également primordial d’acquérir des compétences techniques. Il est notamment important de savoir repérer les compétences nouvelles à acquérir pour progresser. Par exemple, je n’avais pas d’appétence particulière pour la partie commerciale, mais j’ai appris à m’y familiariser, car c’est un aspect essentiel de mon rôle de conductrice de travaux.

Enfin, il faut évidemment aimer son métier, qui demande beaucoup d’énergie et parfois des sacrifices.

Quelles sont, selon toi, les facteurs clés de l’épanouissement professionnel ?

Il faut trouver une entreprise dans laquelle on se sent à sa place et où l’on est considérée. Il faut ressentir que l’on apporte une vraie valeur ajoutée et que l’on est bien entourée.

Quels sont les principaux freins professionnels que tu as pu rencontrer ?

Les relations humaines peuvent parfois être tendues au quotidien, car nous avons beaucoup d’interactions dans un contexte exigeant. Par ailleurs, j’ai parfois eu des responsables ayant une vision dépassée du métier et, notamment, de la place des femmes, ce qui m’a amenée à devoir changer d’entreprise pour évoluer.

Être une femme dans le secteur du BTP

Perçois-tu des différences de traitement entre les femmes et les hommes lors de la phase de recrutement ?

Les femmes ne sont pas défavorisées. Au contraire, les employeurs du BTP sont ravis de recruter des femmes, les profils féminins étant plus rares. Les CV de femmes sont généralement très regardés et une femme qui postule avec un profil adapté a de très fortes chances d’être convoquée pour un entretien.

Penses-tu qu’il y a des différences en ce qui concerne le niveau de responsabilité accordé aux femmes et leur accès à des postes de direction ?

Je pense qu’une femme doit faire ses preuves deux fois plus qu’un homme pour évoluer et accéder à des postes à haute responsabilité et cela demande de la ténacité.

Dans ma jeune carrière, on m’a déjà dit : « Jamais de la vie tu ne seras ma patronne », sans raison rationnelle. Je ne veux pas généraliser, mais j’ai l’impression que les femmes à des postes de direction sont aussi plus observées et plus facilement critiquées que les hommes. Il existe un sentiment de « je n’ai pas le droit à l’erreur » vécu par les femmes.

Cela n’empêche pas pour autant de voir de plus en plus de femmes à des postes à responsabilités.

Est-ce que ça peut être un frein pour ton évolution future d’être une femme ?

Cela peut effectivement être décourageant, car on a parfois l’impression de devoir se battre en permanence pour prouver sa légitimité. Mais on peut aussi le voir comme un défi à relever.

Même si c’est parfois difficile de se projeter dans des postes à plus haute responsabilité dans un environnement où 90 % des personnes sur le terrain sont des hommes, j’ai la chance d’exercer mon métier à une époque où les mentalités évoluent positivement et les entreprises sont de plus en plus ouvertes sur ces sujets.

Est-ce que tu constates des écarts de salaires entre les femmes et les hommes ?

Oui, cela m’est déjà arrivé à plusieurs reprises dans différentes entreprises du BTP. Je pense que c’est également dû au fait que les hommes osent davantage demander des augmentations, car ils se sentent plus légitimes à le faire. Il ne faut donc pas hésiter à demander un salaire de départ adapté à ses compétences et son expérience.

Selon toi, pourquoi si peu de femmes ont un métier manuel dans le secteur du bâtiment ?

Historiquement, c’est un milieu très masculinisé, et cela est ancré dès l’enfance. Il est donc plus difficile pour une femme de s’y projeter.

C’est instinctivement moins naturel d’associer une femme à des métiers manuels, souvent perçus comme très physiques. Pourtant, si une femme souhaite se former à ces métiers, elle le peut. De nombreux métiers ne nécessitent pas un physique particulièrement robuste et les tâches sont en grande partie mécanisées. On voit d’ailleurs de plus en plus de femmes conductrices d’engins.

Selon toi, est-ce que la maternité est compatible avec ce métier ?

C’est possible, mais cela demande un vrai choix de vie en raison des horaires étendus. C’est une organisation à trouver avec son conjoint et son entourage.

Je reste persuadée que l’épanouissement personnel impacte directement notre efficacité au travail. Il faut donc trouver une organisation adaptée pour le permettre, en lien avec son responsable si celui-ci est à l’écoute. C’est pourquoi le savoir-être est essentiel. En étant toujours investie et impliquée dans une entreprise qui nous fait confiance, le dialogue est souvent plus facile et ouvert.

Selon toi, quels bénéfices les femmes peuvent-elles apporter aux métiers du bâtiment ?

Les femmes apportent de la complémentarité et une vision différente dans des équipes très masculines. Sans généraliser, elles sont souvent perçues comme plus rigoureuses et plus empathiques. Je suis convaincue que la mixité fait la force d’une équipe, non seulement en termes de genre, mais aussi en termes d’âge, de parcours, de caractère, etc.

As-tu déjà été confronté au sexisme dans le milieu du bâtiment?

Oui, j’ai déjà subi plusieurs remarques ou comportements sexistes, notamment au début de ma carrière. Une femme n’est pas toujours considérée comme légitime à ses débuts, et elle doit parfois « faire ses preuves » plus longtemps que les hommes pour être reconnue.

Cependant, le secteur évolue. Dans mon entreprise, des sessions de sensibilisation sont imposées à tous les collaborateurs. Les propos sexistes sont condamnés par la direction, ce qui contribue à changer la culture d’entreprise. La société dans son ensemble est plus vigilante sur ces sujets, ce qui influence positivement le milieu du bâtiment.